
Par Patrick Rakotomalala (lalatiana pitchboule) – Nov 2023
Non … On n’en est pas (encore) à un modèle de dictature où un dirigeant sanguinaire tue et emprisonne des milliers de ses concitoyens en faisant étalage de ces cruautés pour installer la terreur et dissuader la moindre forme d’opposition. CEDRIC n’est pas (encore) Staline, Mao, Pol Pot ou Mobutu…Que Dieu nous garde qu’il lui prenne l’idée d’imiter ceux-là… Mais ne nous y trompons pas : s’est installée de manière insidieuse une véritable autocratie. Le passage à la dictature n’est pas loin.
Là où les institutions dites démocratiques ne sont plus démocratiques que de façade et adhèrent à des méthodes arbitraires déguisées d’un verbeux juridisme, là où des élections régulières sont organisées mais n’atteignent pas les normes communément admises de liberté, de transparence, d’inclusivité, là s’est installée une autocratie où le dirigeant et son clan au pouvoir ne rendent compte qu’à eux-mêmes. « Les élections dans une démocratie illibérale sont souvent manipulées ou truquées, utilisées pour légitimer et consolider le titulaire plutôt que pour choisir les dirigeants et les politiques du pays« .
Quand on voit des pacifiques être taxés de trouble à l’ordre public… Quand la violence et l’embastillement de manifestants se justifie de prétendues provocations et d’appel à l’émeute … Quand le mensonge est instauré en principe … On a là un phénomène d’inversion profonde des valeurs qui est le propre de ces régimes hybrides où le pouvoir a capacité de justifier systématiquement sa répression en se positionnant en défenseur d’un ordre qu’il a profondément vicié.
Certains pouvoirs dictatoriaux ont pu s’appuyer sur des idéologies radicales. Ici il n’a pas même été besoin d’idéologie. Il a suffi de conserver une façade démocratique, certifiée par des observateurs internationaux à la complaisance coupable, tout en subvertissant discrètement peu à peu les institutions : le Sénat, la HCC, la CENI. Il n’a point été besoin d’emprisonner des milliers de personnes. Le harcèlement et l’humiliation de quelques-uns suffit à instiller le climat de peur qui permet d’instaurer un régime autoritaire.
En fait, le déploiement du logiciel PREDATOR ne relève peut être que d’une fake new distillée par le pouvoir lui-même. Sa simple annonce aurait eu l’effet escompté : l’installation d’une forme de paranoïa qui musèle plus encore la parole du public. Une question se pose toutefois : cette « dictamolle » survivra-t-elle sans utiliser les outils de terreur de ses grands homologues et vrais dictateurs?
On aurait dû se méfier plus du bonhomme. DJ, il est … DJ, il restera, pensait-on. Homme de communication et de manipulation assurément. Ce que nous ne voyions que comme de la communication ridicule de CEDRIC à travers ses téléphériques, ses girafes ou ses Miami sur Pangalana, convaincus que ces élucubrations ne pouvaient que le discréditer, nous a au bout du compte endormis. Et lui a permis de consolider sa stature d’homme de clan (je n’ai pas dit « homme de parti »)… Ce clan existe. Stupidement, nous l’imaginions circonscrit à un premier cercle de quelques acteurs que l’on imaginait facile à démonter. On ainsi peu à peu laissé ce clan dire ce qu’il voulait. Et puis on a fini par le laisser faire insidieusement TOUT ce qu’il voulait.
Ce clan s’est constitué de ralliés par opportunisme, de ralliés dans des logiques de survie, acteurs issus des forces de l’ordre, des corps administratifs et des corps d’Etat, de l’appareil judiciaire ou du tissu économique, mais aussi de partisans désormais convaincus de la sincérité et de la compétence d’un individu qui a su jouer de toutes les ficelles de la communication et de la propagande pour se forger une réputation. Ceux là qui n’ont pas connu 2009 et les exactions du TGV, se laissent séduire par la jeunesse et les paillettes. La séquence de cette famille présidentielle, menant grand train sur les lacs suisses, et qui n’a rien à envier au spectacle de Kate la princesse de Galles ou de la famille de Monaco, aurait pu choquer une population qui lutte tous les jours pour sa survie… Eh bien non … Magnifique coup de comm qui offre au public du rêve et du glamour. Et qui installe symboliquement un pouvoir d’élite assumé par un clan. C’est de ce clan étendu que CEDRIC tire aujourd’hui son pouvoir … C’est conforté par ce clan qu’il a légitimer cette invraisemblable et hallucinante manipulation électorale. C’est l’étendue de ce clan qui va le rendre désormais très difficile à déboulonner. Sauf dans la perspective d’un nouveau conflit.
Le scénario monté veut imiter la démocratie. CEDRIC ANR et sa clique ne se sont pas laissés piéger comme Ravalomanana en 2009 ou Ratsiraka en 1991 en offrant des martyrs à l’opposition. La volonté d’éviter les bavures (même s’il y en a eu quelques-unes) a guidé quelque temps le comportement des forces de l’ordre. Une répression plus violente, loin de leur être utile, aurait été contre-productive en sapant l’image qu’ils cherchaient à cultiver de démocrates affirmés.
Mais les dernières déclarations du général Ravalomanana La Bomba ne laissent cependant pas de doute sur ce qui va s’instaurer désormais avec cette « pseudo légitimité » acquise par un scrutin dévoyé : un régime répressif. Au-delà de la contrainte administrative et armée d’un futur régime autoritaire, on va atteindre des sommets en termes de niveau de mensonge et de manipulation de l’information pour que ce pouvoir puisse continuer à maquiller ses turpitudes, son incompétence et ses échecs économiques.
L’aberration : les ressources qui pourraient être consacrées au développement et à l’amélioration du niveau de vie du plus grand nombre seront consacrées à l’achat du silence des gens. On reproduit les dérives de la propagande présidentielle : il vaut mieux acheter que proposer et construire.
Ce n’est pas encore une dictature dure. Elle dissimule encore (un peu) son côté répressif. L’arrogance et l’impudence qu’ils ont toutefois affirmées dans la manipulation éhontée du scrutin augure mal de relations politiques et sociales apaisées. Seule la coercition leur permettra de faire taire des foules confrontées à une information de plus en plus asymétrique.
On va devoir se préparer à des temps durs de lutte intensive contre l’arbitraire, contre l’opacité, contre la manipulation, contre l’incurie, contre l’incompétence, contre l’ignorance… La sauvegarde et la préservation de l’intérêt du plus grand nombre l’exige…
Patrick Rakotomalala (Lalatiana PitchBoule) – 21 Novembre 2023

Posted on 22 novembre 2023
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