Par Lalatiana Pitchboule
La diaspora malgache, établie sur des générations et des migrations successives, répondant à des logiques différentes dans leurs genèses respectives, ne peut donc être ni définie ni caractérisée de manière stricte.
L’attachement viscéral du malgache expatrié – et du métis – à ses origines, à sa terre, à sa culture et à son ancestralité reste l’élément invariant. Mais les amalgames sont imbéciles, qui ne prennent pas en compte les différences mais aussi l’enchevêtrement profond de ces groupes qui ont bâti une identité particulière.
Identité et intégration …
Le rapport à la culture européenne et française en particulier, le rapport aux études, l’importance de la famille, l’attachement au pays, posent le socle de cette identité. Sur ce socle, la capacité d’adaptation du malgache, sa relative dissémination, son niveau élevé d’éducation, son professionnalisme, sa faculté à s’approprier une attitude d’ouverture qui fait une synthèse cohérente de sa culture d’origine et de celle de son pays d’accueil, et de fait sa civilité, lui ont permis de bénéficier au sein des sociétés européennes d’une image de « bon étranger » qui échappe aux stigmatisations classiques et jouit d’un réel capital de sympathie.
Elément de son intégration, l’attachement profond du malgache à la religion définit une fonction particulièrement forte en termes de construction identitaire, quand sa pratique religieuse fervente le distingue profondément de l’ensemble des français, opérant en cela un subtil mélange de cartésianisme et de spiritualité.
Par ailleurs, l’identité ethnique et l’identité de caste sociale, à laquelle se rattache toutefois le migrant malgache, déterminent un attachement au groupe de souche et sa valorisation. La multiplicité et l’émiettement d’associations éparses bâties pour conforter cette identité reflètent probablement cette caractéristique.
Sur le plan de l’identité culturelle, une très forte revendication culturelle, menée de manière éclectique à travers des manifestations sportives ou artistiques sélectives, voit le malgache mener une promotion de son pays et tenter de conserver le lien avec sa culture d’origine.
Enfin, l’identité politique du migrant malgache est elle-même polyforme. Issu d’une émigration, on l’a vu, souvent d’origine politique – de la période coloniale aux périodes post-coloniales – le malgache migrant vit donc souvent un profond désaccord avec le régime politique en place à un instant donné. Les différents changements de régime politiques ont ainsi construit des sensibilités politiques différentes, et souvent violemment opposées, toutefois empreintes d’une expérience effective de la démocratie.
Ces éléments identitaires définissent un groupe social éparpillé, curieusement peu structuré où, à quelques exceptions près, l’informel et l’initiative de l’individu ou de petits groupes constitués fait règle en terme d’action collective.
L’associatif et le religieux, éléments structurants de la diaspora malgache … ?
Les attributs identitaires évalués précédemment marquent les structures, essentiellement associatives, qui se sont bâties au fil du temps, d’abord pour faciliter l’adaptation et l’intégration du migrant étudiant puis pour lui permettre d’entretenir un lien communautaire. Une multitude d’associations éparses à vocation indifféremment culturelle, sportive, sociale, artistique, politique ou humanitaire fixe ainsi l’enracinement de ces malgaches à leur culture et à leur pays.
Mais l’émiettement et l’éparpillement de ces associations ne fait l’objet d’aucune fédération qui soit. A Paris, les foyers Cachan et Arago, qui fondent le cordon identitaire de la diaspora malgache, constituent un des seuls noyaux communautaire effectifs (il n’est pas anodin que l’une des premières initiatives de la HAT ait été une tentative de main mise sur la direction du foyer Arago). Toujours en France, le CEN (Comité Exécutif National) qui prend en charge l’organisation annuelle du RNS (Rencontre Nationale Sportive) manifestation sportive qui rassemble plusieurs milliers de participants, athlètes et familles, illustre toutefois les capacités de mobilisation de cette communauté. La manifestation du GTT de mai 2009 à Bastille est une autre illustration de l’aptitude de la diaspora à se rallier de manière étendue par delà les frontières.
Sur le plan religieux, enfin, la FPMA (Fiangonana Protestanta Malagasy aty Andafy) qui fédère à travers ses 31 paroisses quelques 5000 fidèles, présente une tentative aboutie d’organisation de groupes à l’identité spirituelle et à l’activité communautaire marquée.
Internet et ses journaux gasy en ligne, Sobika.com – portail de référence de la diaspora – mais aussi les réseaux sociaux (FaceBook, Twitter) sont les vecteurs d’information et d’échange de cette communauté largement ouverte aux nouvelles technologies : la gasy blaogy s’est ainsi révélée d’un impressionnant dynamisme en termes d’expression des opinions lors des évènements. Mais hors ces supports, point d’émergence d’un journalisme et d’une presse véritablement dédiés à l’information de la diaspora où l’informel et le bouche à oreille ouvrent un boulevard à la rumeur.
En première conclusion …
Cette diaspora a son identité … Cette diaspora agit pour son pays … à travers son tissu associatif qui intervient en social, en humanitaire ou en développement … A travers ses attaches familiales … à travers ses investissements.
Si on a affaire ici à une communauté globalement virtuelle, il reste que le niveau de formation de ses membres, leur technicité, leur culture politique et démocratique et souvent leur réussite professionnelle traduit un énorme potentiel en termes de contribution au développement économique, politique, social et culturel de la Grande Ile. Ce potentiel ne demande qu’à être mobilisé, organisé et développé bien au-delà des initiatives et des actions déjà menées et des structures en place. Par ailleurs, il est patent que la nouvelle génération aspire véritablement, à l’identique des revendications identitaires actuelles des jeunes malgaches restés là bas, à un retour vers le sol de leurs origines. Ces jeunes brûlent d’un nouvel idéal qui est non plus « paraître » mais « agir » et restituer au pays ce qu’ils pensent lui devoir.
Dans ce sens, il est choquant que ces malgaches ne puissent encore jouir du droit de vote dans leur propre république, décision qui serait pourtant le premier pas symbolique significatif d’une volonté politique de mieux les intégrer à la vie et au développement de leur patrie ….
Mais tout cela n’est toujours affaire que de vision prospective, de volonté et de courage politique …
… Suite au prochain numéro « Développement et diaspora malgache : initiatives, limites, exemples et perspectives… »
(c) Patrick Rakotomalala (lalatiana pitchboule)-Novembre 2009

pierre à tailler


Nirina
2 septembre 2009
Vivement la suite!
Ayant déjà fait partie de cette diaspora, j’ai bien remarqué certaines stratifications sommaires: gasy étudiant aisé (bel appart, souvent aucun mal à s’adapter, famille bourgeoise) étudiant qui galère (occupé à faire des petits boulots pour payer le loyer, alimenter la petite vie en France et ceux qui réussissent sont renforcés de cette expérience), faux étudiant chauffeur-livreur (le stéréotype gasy de cachan, je suis désolé pour ceux qui y sont, mais ceux là par contre sont aussi habitués à la débrouille quotidienne, qui leur donnent un sacré pactole au bout), cadre sup (suite aux diplômes acquis) et enfin dirigeant de société respectable et respectée (genre OBS Marcel Ramanantsoa).
C’est assez minimaliste certes, mais du temps que j’ai passé là-bas, j’étais vraiment étonné du peu de variations et donc aussi du nombre de malgaches dans le secteur « transport », et peut être que ça peut aider dans l’analyse car, finalement est-ce que le malgache « standard » est un bosseur/travailleur acharné, comme le sont les asiatiques.
Et donc, quid de la culture du travail chez nous les malgaches de Madagascar en rapport avec les malgaches de France. Et finalement les nouveaux malgaches anciens de France à Mada (dit gasy ex d’an-dafy!), finalement quels apports?
Je n’ai pas de réponses néanmoins je suis persuadé que la diaspora nous apportera le vent de changement que l’on cherche à travers une nouvelle race de bâtisseurs/entrepreneurs/investisseurs et si on se base sur des modèles de pays à succès connus, il n’y a aucune raison de ne pas réussir également.
Seulement, comment les amener à investir et s’investir, pour qu’ils soient « tia tanindrazana »
Alidera A.R
3 septembre 2009
Ayant côtoyé et côtoyant des communautés autres que malagasy, il y a superficiellement des aspects de la communauté malagasy d’Andafy qui sont très enviés des autres communautés.
La FPMA, AKAMA, CEN/RNS, Tournoi du Sud,… font parties de ces aspects là où l’on voit une certaine expression de l’identité malagsy. Le point commun de tous ces amoncèlements de « malagassité » ou « malagassitude », c’est selon, tourne autour d’une entité qui peut les unir : la langue malagasy…
La plupart du temps, on y va pour pouvoir pratiquer la langue malagasy, quitte à reconnaître ce que l’on a toujours nié toute sa vie lorsqu’on était encore au pays. Ainsi, il n’y avait et/ou aurait plus qu’une langue.
Pour certaines générations, leur faiblesse linguistique n’étant pas un atout pour établir des liens ailleurs, alors, ces associations était le terrain idéal du marché « du relationnel et plus si affinité ».
Mais, une fois franchie la porte de toutes ces entités, on se rendra compte rapidement de l’incapacité des malagasy à travailler et à produire ensemble. Sauf dans un cas bien défini où le népotisme règne… d’ailleurs, certaines de ces entités sont le terrains de vrais despotes où ne règne qu’un certain groupe d’amis, familles, etc. On citera en exemple l’évolution du CEN qui est totalement différent du CEN après la RNS de Bordeaux en 1998 ou 99. Il y a aussi la main mise de certains groupe dans certaines églises…
Il n’est pas rare que des malagasy, déjà sur le sol français, n’aient temporairement pas de logement. Combien il est difficile de demander de l’aide ou de dépannage là où la charité est sensé être le crédo.
Il y a quand même une forme de solidarité que l’on ne peut pas enlever à la communauté malagasy : le rapatriement de corps lors d’un décès… mais qui se fait aussi très bien chez d’autres communautés africaines.
A comparer à cela, dans la communauté africaine sans exclusion, l’entraide n’est pas rare quitte à outrepasser certains règlements et lois comme être à 4 voire plus dans une chambre en cité U de 9 m².
Il y a à Paris un Resto U social afro-sénégalais ouverts à tous, les étudiants en priorités, où le menu est à 2,50 euros.
Dans la communauté congolaise (Brazza), il arrive souvent que des étudiants ont pu aller jusqu’à soutenir leur thèse de doctorat par la seule solidarité de la communauté. Ça passait par hébergement, les denrées alimentaires, recherches de petits boulots,… sachant qu’il leur suffit juste que l’aidé(e) soit congolais.
Tout ça pour dire que, la diaspora malagasy est le reflet de là où elle vient. Ce qui explique en grande partie pourquoi le pays en est-il là, et pourquoi en sera-t-il encore là demain.
pitchboule
5 septembre 2009
Merci de votre post … et merci de l’avoir mis en double sur fijery pour alimenter le débat que j’espérais pour nous aider à finaliser le troisième volet de cette humble étude…
RDV donc pour vos commentaires sur le troisième volet … et pour de futures (je l’espère) suites …
Bien cordialement
Mahefa
13 janvier 2010
Tout d’abord je tiens à feliciter l’auteur de cette tentative d’approche de la « diaspora malgache » car je la trouve synthétiquement pertinente.
En effet je me reconnais assez facilement dans cette description étant arrivé en France à l’âge de 8 ans,et c’est en toute transparence que je vais me permettre de m’exprimer sur ce sujet.
Aujourd’hui je me sens avoir une « véritable identité » de malgache ayant garandi en Europe,et suis entièrement convaincu que beaucoup d’autres malgaches comme moi possèdent cette même culture décrite par cette tentative d’approche de la diapora malgache.
Quelque part je suis rassuré car les défis à relever à Madagascar aujourd’hui sont de taille.
Je reconnais que je me sens souvent impuissant devant ce qui se passe dans mon pays natal à 10000 km,pourtant au fond de moi subsiste inconditionnellement un espoir qu’un jour ce pays aura la place qui lui revient,et j’ose y croire car je sais que beaucoup de malgaches ont une foi à toute épreuve,c’est pour cela que malgré tout le mal que l’on peut dire sur les malgaches,par les malgaches eux mêmes j’assume mes origines et je suis confiant que mes enfants ou les générations à venir pouront être encore plus fières que moi et à juste titre de leur origine.On pourrait croire que je suis un rêveur,mais j’espère que mes descendants seront davantage des bâtisseurs,même si je suis déjà disposé dès aujourd’hui à élaborer les bases de ce rêve pour qu’il devienne un jour réalité.
Enfin je m’adresse à tous les malgaches qui me liront,le « Madagascar » dont nous rêvons au fond de notre coeur sera ce que nous en ferons,il n’y a pas de fatalité,nous sommes tous à notre niveau « acteurs » et « responsables »,ne fuyons pas devant nos responsabilités et si nous sommes tentés de le faire,puisse Dieu notre créateur nous fortifier.
Dieu bénisse Madagascar et tous les malgaches.
Cordialement
Mahefa Razafindramiadana